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Douce Mère, Il y a des moments où l'on sent une sorte de vide en soi, on est désespéré et solitaire — c'est que l'on a envie d'être aimé.
Ou mieux, c'est que l'on s'éveille au besoin de connaître son âme et de s'unir au Divin. Le 5 juillet 1963 Douce Mère, Je m'assois pour méditer tous les jours, mais j'ai peur que ce ne soit devenu une chose mécanique, veux faire une méditation dynamique, mais comment faire ?
Devenir sincère. Le 6 juillet 1963 Douce Mère, Cette création a une raison d'être, par conséquent est-il possible que l'individu même "le plus insignifiant" soit venu sur la terre pour accomplir une mission ? Ce n 'est pas ma conception — que font les mendiants et les gens de leur sorte ?
Qui a dit cela? Et de quelle "mission" parles-tu? La création est un tout unique qui avance tout entière vers son but unique — le Divin —, à travers une évolution collective ininterrompue et sans fin. Le 7 juillet 1963 Douce Mère, J'ai entendu dire que Tu avais écrit quelque part que chaque personne dans l'Ashram, ici, représentait une difficulté particulière de l'homme et que cette difficulté serait maîtrisée et transformée en lui dans sa vie¹. Page – 283 Je n'ai jamais fait cette affirmation. Les choses ne sont pas aussi tranchées que le mental le pense et même le désire pour simplifier-le problème. Il y a une diversité de nuances et de combinaisons de caractère, pour ainsi dire infinie, et, quoiqu'il y ait des catégories de types très similaires, il n'y a pas deux cas semblables. On ne connaît de ses difficulté'; que Juste ce que l'on peut en changer et au moment où on peut la changer, Le 8 juillet 1963 Douce Mère, Soudain je me sens très heureux, le cœur se remplit d'une joie inexprimable, mais cette expérience dure peu de temps. J'ai souvent essayé d'observer et de chercher la cause de cette joie fugitive, mais en vain.
Parce que tu cherches la cause au-dehors, autour de toi, tandis qu'elle est intérieure. Le 11 Juillet 1963 Douce Mère, Tu as expliqué que cette séparation des filles et des garçons était atavique, mais il reste à 'le demander ce que nous devons faire, nous, les capitaines ? Personnellement, je pense qu'il vaut mieux fermer les yeux, mais il y en a d'autres qui préfèrent donner des conseils ou même gronder En fermant les yeux, je pense que l'on donnera moins d'importance au problème et qu'ainsi cette idée de différence entre filles et garçons sera moins frappante. Qu'en penses-tu ?
¹La Mère a souligné "dans sa vie". Page – 284 On ne peut pas faire de règle générale, tout dépend des cas e[ des occasions. Les deux méthodes ont du bon et du mauvais, des avantages et des inconvénients. Pour les capitaines, le tout est d'avoir du tact et une perception intérieure suffisante pour intervenir quand il le faut ou fermer les yeux quand il est préférable de ne pas voir. Le 15 juillet 1963 Douce Mère, Que veux-Tu dire par : "Une bonne volonté ignorante et une énergie indolente" ?
1) La bonne volonté, c'est de vouloir faire le bien toujours. Le seul "bien" véritable est la volonté du Seigneur Suprême. Connais-tu la volonté du Seigneur, toujours, à chaque moment et en toutes circonstances ? Non — ainsi tu ignores le bien —, donc : bonne volonté ignorante. 2) La nature même de l'énergie est d'être inépuisable, intarissable, infatigable — n'es-tu jamais fatigué ? Si, très souvent — donc : énergie indolente. Le 17 juillet 1961 Douce Mère, Ne vaudrait-il pas mieux avoir une discipline fondamentale au lieu d'avoir tant de liberté ici dont nous ne sommes pas capables de profiter ?
Tu dis ainsi, mais tu es l'un de ceux qui se révoltent (du moins en pensée) contre le petit peu de discipline qui est exigée quand elle est tout à fait indispensable, comme dans l'éducation physique, par exemple. Le 21 juillet 1963 Douce Mère, Pourquoi hésite-je a Te demander de l'argent ? Qu'est-ce qui m'empêche de le faire? Page – 285 Ne suis-je pas encore assez intime avec Toi, ou est-ce qu'il y a une autre raison ? Je ne me comprends pas.
C'est probablement par une sorte de discrétion intérieure ; c'est plutôt bon signe, car ce genre de discrétion vient de la conscience psychique qui, elle, aime mieux donner que demander. . Le 24 juillet 1963 Douce Mère, Je manque encore de confiance dans mon travail, je suis trop timide. Je crois que, pour progresser, on doit être un peu plus fougueux.
Ce n'est pas fougueux qu'il faut être, mais obstiné et persévérant. Le 27 juillet 1963 Douce Mère, X nous a raconté l'histoire favorite du Dr Y, le professeur de mathématiques : "Un sculpteur était en train de travailler sur un bloc de pierre. C'était près d'un village. Petit à petit, les villageois se sont assemblés autour de cet artiste avec curiosité pour voir pourquoi il cassai! cette pierre. Après un grand labeur, le travail fut terminé et un chef-d'œuvre vit le jour — une déesse danseuse au lieu d'un bloc de pierre était là, devant l'artiste. Tous les villageois autour de lui avaient observé son travail et ils étaient étonnés et émerveillés de voir cette belle figure sortie de la pierre. Alors ils ont demandé à l'artiste ; "Comment saviez-vous qu'il y avait cette figure dans cette pierre ?"
Cette question est admirable — et si l'artiste avait de l'esprit, il aurait répondu : "Parce que Je l'ai vue dedans." Le 11 août 1961 Page – 286 Douce Mère, Souvent tes remarques m'amusent.
Tu ferais bien de faire effort pour les comprendre, car, derrière les mots, il y a toujours quelque chose de profond à comprendre. Le 12 août 1961 Douce Mère, J'ai vu, ce malin, un homme avec les côtes projetées en avant, les hanches rentrées profondément et les jambes tordues. C'était un spectacle pitoyable. On se demande pourquoi Dieu a fait toutes ces déformations dans la Nature. Là seule réponse — qui ne répond à rien —, c'est que c'est le "jeu du Divin". C'est incompréhensible.
C'est une réponse facile que l'on donne quand on ne veut pas ou on ne peut pas se donner !a peine de comprendre. Mais si l'on s'élève au-dessus de la mentalité individuelle et que l'on entre dans la conscience de l'Unité, alors on peut comprendre, Le 18 août 1963 Douce Mère, Que veuf dire "Yoga" et combien de personnes parmi nous le pratiquent ?
Pourquoi me poses-tu cette question ? Tous ceux qui sont ici doivent au moins savoir ce que veut dire yoga — quant à le pratiquer, c'est une autre affaire !... Le 19 août 1963 Douce Mère, Je me sens malheureux parce que j'ai demandé de l'encens à la Mère. Page – 287 Il vaudrait beaucoup mieux l'acheter au bazar, car Elle n'aime pas que ses enfants mendient.
Me demander à moi n'est pas mendier et tu peux le faire si lu as vraiment besoin de quelque chose. Mais il faut, en même temps, être prêt à ne pas le recevoir et à ne pas être vexé si je ne le donne pas. Dans ce cas-ci, j'avais dit qu'on te donne de l'encens. Mais je ne suis pas sûre qu'on l'ait fait. C'est X qui le garde et c'est à lui qu'il faut le demander, Le 22 août 1963 Douce Mère, Notre professeur. Y, nous a fait un discours d'un ton grave et significatif : "Soyez prêts à traverser de rudes épreuves, nous sommes à la veille de quelque chose de très difficile et de dangereux." Mais il ne s'est pas expliqué.
C'est dommage qu'il n'ait pas expliqué sa pensée, parce que je ne sais pas de quoi il veut parler — probablement, il voulait vous mettre en garde contre votre légèreté d'esprit et votre insouciance, votre négligence et votre laisser-aller. Vous tous, jeunes gens ici, vous avez eu la vie très facile, et au lieu d'en profiter pour concentrer vos efforts sur le progrès spirituel, vous vous êtes amusés autant que vous avez pu sans faire trop de scandale, et votre vigilance s'est endormie. C'est sans doute pour la réveiller que Y a parlé ainsi. Le 27 août 1963 (A propos des remarques faites par quelqu'un sur le caractère au moniteur.) Page – 288 Tout[ ce que l'on dit est de peu d'importance, parce que les jugements humains sont toujours partiels et, par conséquent, ignorants.
Et pour se connaître soi-même, il faut se voir avec une conscience plus haute et plus profonde qui peut discerner les causes véritables des réactions e[ des sentiments. Ce n'est pas une observation superficielle qui peut aider. Et tant que l'on n'est pas en contact avec son être psychique, il vaut mieux s'efforcer toujours de faire cl d'être aussi bien que l'on peut plutôt que de passer son temps à des analyses inutiles. Le 12 septembre 1963
(À propos de X qui me racontait tous ses malheurs et s'accusait elle-même de tous ses tourments.) Pour la consoler, je lui avais dit que, peut-être, s'accuser soi-même n'était pas toujours une chose très sainte ni saine.
C'est X qui a spirituellement raison et toi qui as tort avec une soi-disant "raison" superficielle et ignorante. Quand quelque chose va mal, il faut toujours en trouver la raison en soi-même, non pas superficiellement, mais profondément en soi-même, non pas superficiellement, mais inutilement sur cette faute mais pour la guérir en appelant à son aide la force toute-puissante du Divin. Pour être sûre de bien me faire comprendre, J'ajouterai que ce n'est à cause d'aucune faute d'elle que, lui, est inconstant et volage — c'est sa nature à lui d'être ainsi et il agit selon sa nature — mais si elle souffre et qu'elle est malheureuse à cause de ce qu'il fait, alors c'est de sa faute à elle, parce que cela veut dire que son sentiment à elle est entaché d'égoïsme et c'est cet égoïsme qu'elle doit conquérir, et du même coup elle ne souffrira plus. Le 17 septembre 1963 Page – 289 Douce Mère, De nouveau, j'ai reçu une invitation à dîner. On ne peut pas refuser si l'on vous invite, n'est-ce pas ?
Non, à moins d'avoir de sérieuses raisons pour le faire, Je ne parie pas de l'acte extérieur — que l'on mange ici ou là, c'est la même chose —, Je parle de l'attitude intérieure, de l'importance excessive que l'on donne à la nourriture, et de la gourmandise. Le 21 septembre 1961 Douce Mère, Si je regarde toute ma vie et les circonstances dans ma vie, je suis très heureux, mais je ne suis pas content. Souvent je me perds dans une mélancolie qui est insupportable, que faire'?
Le vrai bonheur ne dépend pas des circonstances extérieures de la vie. On ne peut obtenir le vrai bonheur et le garder constamment qu'en découvrant son être psychique et en s'unissant à lui. Le 22 septembre 1963 Douce Mère, Je me souviens souvent d'un poème anglais de Francis Thompson et de son refrain:
"For though I knew His love who followed Yet was I sore adread Lest having Him, î must hâve naught beside¹."
Voilà notre maladie !
¹"Car, sachant l'amour de Celui qui me suivait J'etais pourtant plein de terreur De peur que L'ayant, je n'aurais rien à part Lui." Page – 290 Oui, c'est ce que Sri Aurobindo a écrit maintes fois; l'homme tient à sa misère,, sa petitesse, son infirmité, son ignorance et ses limites — c'est pourquoi il ne change pas. Le 24 septembre 1963 Douce Mère, Je ne me suis pas bien préparé pour la représentation du 1er décembre¹ et, de plus, je ne me sens pas du tout enthousiaste.
Du moment où l'on a décidé, on a accepté de faire quelque chose, il faut le faire aussi bien qu'on le peul. En toute chose, on peut trouver l'occasion d'un progrès dans la conscience et dans la maîtrise de soi. Et cet effort de progrès rend immédiatement la chose intéressante, quelle qu'elle soit. Le 36 septembre 1963
Dans l'aphorisme N° 172, Sri Aurobindo a dit : "La loi transformée en liberté est le libérateur²." Que veut dire cela ? Comment la loi peut-elle être transformée en liberté? Par la loi, nous comprenons quelque chose qui est réglé et fixe. Ou bien est-ce une flexibilité qui est demandée, contrairement à la rigidité : la loi qui aura la liberté de se modeler suivant les circonstances ?
Je regrette d'avoir à te dire que tu n'as absolument rien compris à ce que Sri Aurobindo a écrit — parce que tu as essayé de comprendre avec ton mental superficiel et que ce
¹Programme culturel annuel. ²La loi ne peut pas sauver le monde; par conséquent les commandements de Moïse sont morts pour l'humanité et le Shâstra des brâhmanes est corrompu et mourant. La loi transformée en liberté est le libérateur. Non le pandit mais le yogi, non la vie monastique mais le renoncement intérieur au désir, à l'ignorance et à l'égoïsme." (La Mère, Pensées et Aphorismes de Sri Aurobindo. éd.1979, p. 311) Page – 291 qui a été dit par Sri Aurobindo vient de la lumière intellectuelle la plus haute, très au-dessus du mental. Tout ce que je peux te dire, qui te mettra peut-être sur la voie, est que, derrière la loi, il y a un esprit d'ordre et d'organisation. Mais la loi est une chose fixe et, par conséquent, en contradiction avec la vérité la plus haute. Si le même esprit d'ordre et d'organisation est mis au service de la liberté, cela pourrait devenir un moyen d'atteindre à la libération, c'est-à-dire à l'union avec la Vérité. Le 29 septembre 1963 Douce Mère, Sri Aurobindo écrit dans l'un de ses Aphorismes (No 164) ' "Ceux qui sont incapables d'observer librement, pleinement et intelligemment la loi qu'ils se sont imposée à eux-mêmes, doivent être assujettis à la volonté des autres..." Mère, je suis l'un de ceux-là. Me prends-tu pour me discipliner?
Mon enfant, c'est Justement ce que j'essaye de faire depuis assez longtemps, spécialement depuis que je reçois ton cahier et que je le corrige. C'est dans ce but de discipline que je t'avais dit d'écrire une seule phrase par jour — elle n'avait pas besoin d'être longue, mais elle devait être sans fautes — hélas ! Jusqu'à présent, je n'ai guère réussi — tes phrases sont souvent longues et peu claires, les autres sont courtes — mais toutes ont des fautes et souvent, très souvent, les mêmes fautes de genre, d'accord et de conjugaison que je t'ai maintes fois corrigées. C'est à croire que si tu relis ton cahier quand je te le renvoie, tu ne l'étudiés pas et n'essayes pas d'en profiter pour faire des progrès. Discipliner sa vie n'est pas une chose aisée, même pour ceux qui sont forts, sévères avec eux-mêmes, courageux et endurants. Page – 292 Mais avant d'essayer de discipliner sa vie tout entière, il faut au moins s'exercer à discipliner une de ses activités, et à persister jusqu'à ce que l'on réussisse. Le 13 octobre 1963 Douce Mère, J'ai pris la mauvaise habitude d'être en retard partout et presque toujours.
Il n'y a pas d'habitude qui ne puisse être changée. Le 14 octobre 1963 Douce Mère, Il semble que l'on T'avait envoyé une liste de livres (classiques anglais) pour Ton approbation. Mais Tu veux que l'on étudie seulement les œuvres de Mère et de Sri Aurobindo. Tu as même fait remarquer que de lire ces vieux classiques, c'était abaisser le niveau de sa conscience. Mère, est-ce seulement pour ceux qui pratiquent le yoga que Tu conseilles cela ou est-ce pour tout le monde ?
D'abord ce que l'on a rapporté n'est pas correct. Deuxièmement, le conseil est adapté à chaque cas et ne peut pas être généralisé. Le 12 novembre 1963
(Écrit par la Mère en fêle d'un agenda contenant des citations de Savitri par Sri Aurobindo.)
Quelques extraits de Savitri, ce merveilleux poème prophétique qui sera le guide de l'humanité vers sa réalisation future. Le 27 novembre 1963 Page – 293 Douce Mère, Je suis 1res irrégulier dans mes études, je ne sais pas que faire.
Secoue un peu ton "tamas", autrement tu deviendras comme une souche ' Le 27 décembre 1963 Douce Mère, L'ardeur de faire un effort se perd. Je me sens content. Mais le temps passe si rite que l'on sent qu'on n'a pas profité au maximum de ce qui nous est donné !
Cela prouve que la vie est trop facile ici et que vous êtes pour la plupart trop tâmasiqucs pour faire un effort sans les coups de fouets que donnent les difficultés de la vie ordinaire. Seule une très ardente aspiration pourrait remédier à cet état funeste. Mais l'aspiration est absente et votre âme sommeille ! Le 2 janvier 1964 1964
Bonne Année
J'espère que cette nouvelle année verra le réveil de ton âme et l'éveil dans ta conscience d'une volonté de progrès. Le 3 janvier 1964
J'ai gardé ton cahier dans l'espoir de trouver le temps de le lire et de le corriger. Mais les semaines passent, et je vois que c'est impossible. Je te le renvoie donc, sans l'avoir lu — et te demande de ne plus l'envoyer jusqu'à ce qu'il me soit possible de recommencer à le voir. Continue ta traduction des Aphorismes, je t'en enverrai davantage à la fois pour la corriger. Page – 294 Mes bénédictions sont toujours avec toi. Le 17 février 1964 Douce Mère, Tu m'as béni pour que je naisse à la vie véritable, mais quelles sont les conditions nécessaires pour naître à cette vie et comment les remplir ?
La première condition est de prendre la décision de ne plus vivre pour soi-même, mais de vivre exclusivement pour le Divin. Naturellement cette décision doit être renouvelée quotidiennement, et doit se manifester dans une volonté constante et efficace. Le 29 avril 1964 Douce Mère, "Ne pas vivre pour soi-même" est compréhensible et on peut essayer de le mettre en pratique; mais que veut dire exactement "vivre exclusivement pour le Divin"? Pour moi, ce n'est qu'une idée répétée mécaniquement par le mental; mais Mère, que faire pour le réaliser?
Vivre pour le Divin, c'est faire don de tout ce que l'on fait au Divin sans désirer un résultat personnel de ce que l'on fait. Il est certain qu'au commencement, quand le Divin est seulement un mot ou tout au plus une idée et non une expérience, toute l'affaire reste purement mentale. Mais si l'on fait un effort sincère et répété, un jour l'expérience vient et on sent que l'offrande faite est faite à quelque chose de réel, de tangible, de concret et de bienfaisant. Plus on est sincère et assidu, plus l'expérience vient vite et reste longtemps. Pour chacun le chemin est différent dans ses détails, mais pour tous la sincérité et la persévérance sont également indispensables. Le 6 mai 1964 Page – 295 Douce Mère, Serait-il possible d'avoir un ventilateur électrique ? X m'en avait promis un il y a trois ans, mais il me conseille maintenant de Te demander.
Tu peux en avoir un, s'il y en a ou si tu en trouves un. Mais crois-tu que cela va t'aider à trouver le Divin ? Le 7 mai 1964 Douce Mère, A propos du ventilateur, je fie crois pas que cela m'aide à trouver le Divin, mais est-ce un obstacle ? Si lu penses qu'il vaut mieux que je ne l'aie pas, bien, j'accepte Ta décision sans plainte.
Ce qui est un obstacle pour la vie spirituelle, c'est d'attacher de l'importance au confort matériel et de prendre ses désirs pour des besoins. C'est-à-dire de se tromper soi-même (self-deception) — maintenant, si tu as un ventilateur et que tu désires l'utiliser, lu peux le faire, sachant que cela ne t'aidera d'aucune façon à faire un progrès — que cela donnera seulement à ton corps l'illusion qu'il est plus confortable. Ces choses ne devraient avoir aucune importance dans la vie. Le 13 mai 1964 Douce Mère, On a souvent peur de tout ce qui est nouveau : le corps refuse d'agir d'une façon nouvelle, comme d'essayer une nouvelle figure de gymnastique ou un autre type de plongeon. D'où vient cette peur? Comment peut-on s'en libérer ? Et encore, comment peut-on encourager les autres à faire de même ?
Le corps a peur de tout ce qui est nouveau parce que sa base même est l'inertie, le tamas ; c'est le vital qui amène une dominante de radjas, activité. Page – 296 C'est pourquoi, généralement, l'intrusion du vital sous forme d'ambition, d'émulation et d'amour-propre, oblige le corps à secouer le tamas et à faire l'effort de progrès nécessaire. Naturellement, ceux chez qui le mental domine peuvent sermonner leur corps et lui fournir toutes les raisons nécessaires pour qu'il .surmonte sa peur. Le meilleur moyen pour tous est le don de soi au Divin et la confiance en Sa Grâce infinie. Le 13 mai 1964 Douce Mère, La tromperie de soi-même est une chose qui a mille facettes et mille manières de se déguiser en nous. Comment peut-on la découvrir et s'en débarrasser ?
C'est un long et lent travail qui ne peut être accompli que par une sincérité parfaite. Il faut être très attentif, toujours sur ses gardes, surveiller tous ses mouvements émotifs et les réactions vitales, ne jamais fermer les yeux avec indulgence sur ses propres faiblesses et s'attraper chaque fois que l'on fait une faute, même petite. Si l'on continue avec persistance, cela devient très intéressant et de plus en plus facile. Le 20 mai 1964 Douce Mère, Quelle différence y a-t-il entre le plaisir, la joie, le bonheur, l'extase et l'ânanda? Peut-on trouver l'un dans l'autre ?
'L'ânanda appartient au Seigneur Suprême. L'extase appartient au yogi accompli. La joie appartient à l'homme sans désir. Page – 297 Le plaisir est à la portée de tout être vivant mais avec son accompagnement inévitable de souffrance. Le 27 mai 1964 Douce Mère, Tes réponses de la semaine dernière étaient très succinctes. Est-ce qu'un yogi accompli n'est pas identifié au Seigneur Suprême ? Un homme sans désir n'est-il pas un sâdhak sincère?
Mes réponses sont faites dans le but de t'ouvrir l'esprit et de te faire, petit à petit, dépasser tes limites mentales actuelles. Le Seigneur Suprême peut donner son ânanda à qui Il veut et comme Il veut. Un sâdhak est celui qui a choisi une discipline yoguique et qui la pratique. Il y a des hommes sans désirs qui ne suivent pas un yoga. Élargis ta pensée — c'est très nécessaire ! Le 3 juin 1964
(À propos d'une question sur l'amour.) Comment peut-on diriger cet amour humain vers l'amour idéal, l'amour véritable ?
Il n'y a qu'un amour véritable, c'est l'Amour Divin, tous les autres amours sont des réductions, des limitations et des déformations de celui-là. Même l'amour du bhakta pour son Dieu est une diminution et se teinte souvent d'égoïsme. Mais comme, tout naturellement, on tend à ressembler à ce que l'on aime, si le bhakta est sincère, il commence à ressembler au Divin qu'il adore et ainsi son amour se purifie de plus en plus. Il a été souvent suggéré comme solution d'adorer le Divin dans celui ou celle qu'on aime, mais à moins que l'on ! n'ait une pensée et un cœur très purs, cela peut mener à de lamentables confusions. Page – 298 Il semble que dans les conditions où vous vous trouvez, la solution la meilleure soit d'utiliser votre attachement réciproque pour joindre vos efforts dans une aspiration commune et combinée afin d'atteindre au Divin, et, dans une sincérité parfaite, que chacun apporte à l'autre, dans la mesure du possible, ce qui lui manque pour atteindre ce but. Le 10 juin 1964 Douce Mère, Comment savoir le besoin de l'autre et l'aider ?
Je ne parlais pas de choses extérieures et de facultés mentales ! L'amour vrai est dans l'âme (tout le reste est attraction vitale, attachement mental et physique, pas autre chose) et l'âme (être psychique) sait instinctivement ce que l'autre a besoin de recevoir et est toujours prêt à le lui donner, Le 17 juin 1964 Douce Mère, Est-ce parce qu'il y a, des défauts chez nous que nous ne pouvons fias les tolérer chez les autres ? D'où vient ce choc que nous recevons ?
Oui, d'une façon générale ce sont les défauts que vous avez vous-mêmes qui vous paraissent les plus choquants chez les autres. Plus tard, on comprend que les autres sont un miroir qui vous renvoie l'image de ce que vous êtes. Le 24 juin 1964
Douce Mère, De même qu'il y a des exercices et des disciplines corporelles tangibles et concrètes pour la culture physique, n'y a-t-il pas de même quelque chose pour le de •^R progrès de l'âme et de la conscience, qui soif tangible et concret ? Page – 299 Depuis les temps les plus anciens, chaque système de yoga a élaboré sa discipline dans tous les détails. Tout ceci peut être étudié, appris et pratiqué. Mais suivant l'enseignement de Sri Aurobindo, chacune de ces pratiques a ses limitations et ne donne qu'un résultat partiel. C'est pourquoi il conseillait à ceux qui veulent suivre le yoga intégral de trouver leur propre discipline, basée sur les connaissances anciennes mais adaptée aux besoins et "à la condition de chacun. Le 1er juillet 1964 Douce Mère, Je croyais que les maladies provenaient d'une impureté ou d'une faiblesse dans l'être, mais que veut dire cette épidémie dans l'Ashram ? Même X a été l'une des victimes. D'où vient cette épidémie ?
Une épidémie est une maladie collective et provient d'une impureté collective. L'Ashram dans son ensemble est évidemment fort loin de ce qu'il devrait être pour être à la hauteur de sa tache et donner au monde l'exemple de la consecration totale à l'Œuvre Divine et à la préparation de l'avenir. Les modalités de la maladie diffèrent selon la condition de chacun et son lien avec le tout. Le 8 juillet 1964 Douce Mère, J'essaye de me concentrer dans le cœur et de \ rentrer loin au-dedans, comme Tu me l'avais conseillé, mais en vain. Le seul résultat, c'est que j'ai eu mal à la tête, une sorte de déséquilibre, et aussitôt que j'ouvre les yeux, tout redevient normal. Que faire ?
Cela veut dire que tu n'es pas encore prêt à une discipline spirituelle et qu'il faudra attendre encore que la vie t'ait mi Page – 300 peu façonné et que ta conscience psychique s'éveille de la somnolence dans laquelle elle se trouve. Le 15 Juillet 1964 Douce Mère, En attendant que je sois prêt à la discipline spirituelle, que dois-je faire, à part aspirer à ce que la Mère me tire de la somnolence et éveille ma conscience psychique ?
Pour développer ton intelligence, lis régulièrement et très attentivement l'enseignement de Sri Aurobindo. Pour développer et maîtriser ton vital, observe attentivement tes mouvements et tes réactions avec la volonté de surmonter les désirs, et aspire à trouver ton psychique et à t'unir à lui. Physiquement, continue à faire ce que tu fais, développe et contrôle ton corps méthodiquement, rends-toi utile en travaillant au Terrain de Jeux et là où lu travailles en tâchant de le faire d'une façon aussi peu égoïste que possible. Si tu es sincère et scrupuleusement honnête, mon aide est sûrement avec toi et un jour tu en deviendras conscient. Le 22 juillet 1964 Douce Mère, Quand un étranger nous demande ce qu'est l'Ashram de Sri Aurobindo, comment lui donner une réponse à la fois courte et correcte ?
L'Ashram est le berceau d'un monde nouveau, de la création de demain. Et si d'autres questions vous sont posées, la seule réponse à taire est : il faut lire les livres et étudier l'enseignement. Le 29 juillet 1964 Douce Mère, Est-ce qu'il y a vraiment des tragédies dans la vie, puisque tout mène au Divin ? Page – 301 Ce sont des tragédies pour ceux qui les prennent tragiquement — l'immense majorité des êtres humains, Il faut vivre dans la conscience de l'Unité Divine pour voir la Grâce derrière toute chose. Le 5 août 1964 Douce Mère, On entend souvent dire que la nourriture ne con tient pas suffisamment de vitamines et de protéines. Les docteurs prétendent que c'est à cause de cela que ' nous avons tant de souffrances physiques et corporelles¹. Est-ce vraiment la cause? La nourriture tient-elle une place si importante dans la vie ?
Pour ceux dont la conscience est centrée dans le corps et qui vivent pour le corps, ses désirs et ses satisfactions, pour ceux dont la vérité commence et finit avec le corps, il est évident que la nourriture est une chose capitale puisqu'ils vivent pour manger. Les docteurs sont toujours anxieux de rejeter la responsabilité de leur incompétence à guérir sur les conditions extérieures de vie. Si l'on veut voir le problème dans sa vérité, un corps éclairé, équilibré et libre de tout désir vital et de tout préjugé mental, est seul capable de savoir ce qu'il lui faut comme quantité et genre de nourriture — et il est si exceptionnel de rencontrer un corps pareil qu'il vaut mieux ne pas en parler. À part cela, il faut faire pour le mieux et ne pas y attacher trop d'importance. Que ceux qui ont confiance en les docteurs fassent ce qu'ils disent et voient si cela les aidera à moins souffrir ! Le 12 août 1964 Douce Mère, Il y a des moments où j'ai envie de laisser toutes
¹En regard de cette phrase. Mère a écrit : "Tant que ça ???" Page – 302 mes activités, comme le Terrain de Jeux, la fanfare, les études, etc. et de consacrer tout mon temps au travail. Mais ma logique ne l'accepte pas. D'où vient cette idée et pourquoi ?
En ceci ta logique a raison. Il y a souvent dans la nature extérieure une tendance tamasique à la simplification des conditions de vie pour éviter l'effort d'organiser des circonstances plus compliquées. Mais lorsqu'on veut progresser dans l'intégralité de l'être, cette simplification est peu recommandable. Le 19 août 1964
Douce Mère, Quel est le moyen le plus efficace pour surmonter les désirs et les attachements ; les trancher d'un seul coup — même au risque de rupture — ou s'avancer lentement et sûrement en les éliminant l'un après l'autre avec soin ?
Les deux moyens sont aussi inefficaces l'un que l'autre. Le résultat de ces deux méthodes est, en général, de se tromper soi-même et de se donner l'illusion qu'on a conquis ses désirs, tandis que, au mieux, on est seulement assis dessus, et Us restent comprimés dans le subconscient jusqu'à ce qu'ils y fassent explosion et bouleversent l'être tout entier. C'est du dedans qu'il faut se rendre maître de sa nature inférieure en établissant fermement sa conscience dans un domaine libre de tout désir et de tout attachement, parce que ce domaine est sous l'influence de la Lumière et de la Force divines. C'est un travail de longue haleine qu'il faut entreprendre avec une sincérité à toute épreuve et une persévérance inlassable. En tout cas, il ne faut jamais prétendre être plus parfait que l'on n'est et encore moins' se contenter de fausses apparences. Le 26 août 1964 Page – 303 Douce Mère, On souffre aisément lorsqu'on est très sensible. Cette sensibilité étant le signe d'un ego fort, comment peut-on l'éliminer (l'ego) ?
Pourquoi dis-tu que la sensibilité est le signe d'un ego fort ? Cela ne paraît pas du tout évident. Il y a d'ailleurs beaucoup de genres différents de sensibilité, les uns provenant de la faiblesse, les autres —les meilleurs — sont le résultat d'un raffinement. L'ego préside généralement au développement de l'individu — mais Ici; individualités les plus développées ne sont pas nécessairement celles qui ont l'ego le plus fort, au contraire. À mesure que l'individualité se perfectionne, le pouvoir de l'ego va en diminuant. Et c'est même par son perfectionnement que l'individu arrive à cet état de divinisation qui le libère de l'ego. Le 2 septembre 1964 Douce Mère, Comment savoir si l'on progresse ou non, individuellement et collectivement ? ,
Il est toujours préférable de ne pas essayer de constater les progrès que l'on fait, parce que cela n'aide pas à en faire — au contraire. L'aspiration vers le progrès, si elle est SINCÈRE, est sûre d'avoir de l'effet. Mais quels que soient les progrès faits, individuellement, ou collectivement, ceux qui restent à faire sont si considérables qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter en route pour constater le chemin parcouru. La perception d'un progrès fait doit être spontanée, par la vision soudaine et inattendue de ce que l'on est en comparaison de ce que l'on "était quelque temps auparavant. C'est tout — mais cela exige déjà un assez grand développement de la conscience. Le 9 septembre 1964 Page – 304 |